Rien que nous ne connaissions déjà avec cet arrêt de cassation.
C’est le genre d’incident que j’ai déjà eu l’occasion de soutenir.
Mais cet arrêt a le mérite de constituer une piqûre de rappel. Et il est toujours intéressant de disposer d’un arrêt de cassation pour appuyer la thèse soutenue dans le cadre d’un incident.
Tout d’abord, la Cour de cassation souligne fort opportunément que la caducité est un incident d’instance (« Mais attendu, d’une part, que la caducité est un incident d’instance, qui n’est pas assujetti à l’application de l’article 74 du code de procédure civile ; », Cass. 2e civ., 5 sept. 2019, n° 18-21.717).
Cela apparaît évidemment pour quiconque s’intéresse un peu à la procédure civile, mais il est souvent soutenu que la caducité doit… être soulevée « in limine litis« . Il y a une dizaine de jours, je l’ai encore lu dans des conclusions d’incident.
Qu’on le tienne pour dit, la caducité n’est pas une exception de procédure, mais un incident d’instance au sens procédurale, tout comme l’est la péremption, le désistement ou l’acquiescement.
La caducité n’a que faire de l’article 74 du CPC.
Mais là n’est pas l’essentiel de cet arrêt de cassation.
Commençons par le rappel de la procédure.
Une partie fait appel.
Les conclusions sont remises au greffe dans le délai.
Il faut ensuite notifier les conclusions à l’intimé.
C’est là qu’entre en piste l’article 911.
Soit la partie est représentée, auquel cas les conclusions sont notifiées au représentant. Soit la partie est défaillante, auquel cas il faut les signifier à la partie elle-même.
Je n’aborde pas le délai puisque la question ne se posait pas.
En l’espèce, lorsque l’appelant a voulu notifier ses conclusions, un avocat avait régulièrement (ce terme « régulièrement » est important…) notifié un acte de constitution à l’avocat de l’appelant.
Cependant, l’appelant n’a pas notifié ses conclusions à l’avocat de l’intimé, mais les a signifiées directement à la partie.
J’imagine d’ici la défense de l’intimé, consistant à dire que de toute manière ça ne change rien, que l’intimé avait eu connaissance des conclusions, qu’il n’y avait pas de grief (ça, c’est l’argument que l’on reçoit quasiment à chaque incident), etc. etc.
Cependant, s’il existe des règles, c’est pour qu’elles soient appliquées.
Donc, la Cour de cassation se prononce en ce sens (Cass. 2e civ., 5 sept. 2019, n° 18-21.717.) :
« Et attendu, d’autre part, qu’en application de l’article 911 du même code, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont signifiées aux parties qui n’ont pas constitué avocat dans le mois suivant l’expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d’appel, que cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ; qu’il résulte sans ambiguïté de ce texte qu’en l’absence de signification par l’appelant de ses conclusions à l’intimé préalablement à la notification qui lui est faite par ce dernier de sa constitution d’avocat, l’appelant est tenu, à peine de caducité, de notifier ses conclusions à cet avocat ; que cette notification, qui a lieu entre avocats, de la constitution d’intimé met l’avocat de l’appelant en mesure de respecter cette exigence, laquelle poursuit l’objectif légitime de permettre à l’avocat de l’intimé de disposer pour conclure de la totalité du temps qui lui est imparti à cette fin par l’article 909 du code de procédure civile ;
Qu’ayant retenu, par des motifs qui n’encourent pas la critique, que l’avocat de M. X… avait régulièrement notifié, le 10 juillet 2017, sa constitution à celui de la banque et relevé que celle-ci avait uniquement signifié ses conclusions à M. X… par acte d’huissier de justice le 19 juillet 2017, c’est sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable que la cour d’appel, retenant exactement que la banque devait procéder à la notification de ses conclusions à l’avocat de M. X… via le réseau privé virtuel avocat avant le 25 août 2017, a constaté, en l’absence d’une telle notification, la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de cet intimé ; »
C’est propre et sans bavure… sauf que…
… on peut être interpellé par le « la banque devait procéder à la notification de ses conclusions à l’avocat de M. X… via le réseau privé virtuel avocat« .
Une lecture rapide laisserait entendre que la notification à avocat doit être effectuée via le RPVA.
Mais cette obligation de passer par le RPVA concerne la remise d’un acte de procédure, non sa notification à l’avocat.
Un avocat peut notifier par RPVA, mais également par tout autre moyen entrant dans le champ d’application des articles 672 et 673 du CPC, sachant que la Cour de cassation l’a entendu de manière assez large si l’on tient compte d’un arrêt du 16 octobre 2014.
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